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 Le terme « Grand guignol » (avant d’être largement détourné pour aujourd’hui qualifier une œuvre versant dans la démesure et/ou la grandiloquence)  a pour origine le nom d’un théâtre parisien situé dans le 9ième arrondissement et qui, de  1897 à 1962, mit en scène de véritables pièces horrifiques. Le public d’alors venait en masse y expérimenter des sensations inédites et parfois si extrêmes qu’elles provoquaient, occasionnellement, des évanouissements lors de certaines représentations. Cette forme de théâtre connut une période faste pendant l’entre deux guerre, avant de sombrer au début des années 1960, ne pouvant pas lutter face à un 7ième art de moins en moins avare en épouvante ( William Castle, Alfred Hitchcock, Michael Powell ou Herschell Gordon Lewis réaliseront des œuvres traumatisantes, devenues aujourd’hui  cultes, à cette même époque ) Logique dès lors que d’adopter la matière hétérogène et versatile du film à sketch pour rendre un vibrant hommage à cet Art du Grand Guignol.


La Quatrième dimension, Masters of Horror, Creepshow, Fear Itself, Body bags , Peliculas para no dormir  en Espagne ou  3 Extrêmes  en Asie sont autant d’exemples d’un genre à succès dont l’acte de naissance correspond à la sortie « d’Au cœur de la nuit » en 1945.

Certaines anthologies ont par ailleurs été dirigées par de prestigieux réalisateurs (c’est notamment le cas de « la Quatrième dimension » par John Landis, Steven Spielberg,  George Miller et Joe Dante, ou de Creepshow, intégralement réalisé par Romero). Mais, malgré ce gage de prestige, le constat final est souvent le même : celui d’une œuvre inégale voire bancale dont seuls quelques segments parviennent à sortir du lot, tout en sombrant souvent dans l’épate visuelle.


Malheureusement,  Theatre of Bizarre ne déroge pas à la règle… Parmi les 7 sketches le constituant dont un : le baroque Theatre Guignol de  Jeremy Kasten,  servant de fil rouge, nous retiendrons  Wet Dreams  du légendaire Tom Savini, une histoire de vengeance incestueuse très graphique, le Lovecraftien  The Mother of toads  de Richard Stanley, assez réjouissant dans son traitement de la sorcellerie et belle occasion de revoir Catriona MacColl (Frayeurs, L’Au-delà, La Maison près du cimetière, de Lucio Fulci),  le transgressif et hard Vision Stains de Karim Hussain, dont la vision fit évanouir certains spectateurs en plein festival ( tiens donc ), ainsi que The Accident de Douglas Buck, qui rompt avec la tonalité des autres segments par son approche intimiste et mélancolique.

 Sweets de David Gregory et  I Love you de Buddy Giovinazzo, relèvent plus de l’anecdote , mais, tout comme Wet Dreams et The Mother of toads, ils proposent une approche singulière et critique des travers de la vie de couple : Embourgeoisement, paranoïa, infidélité, jalousie, inceste et rupture vus à travers le prisme non conformiste du Grand guignol…une analyse qui permet une plus grande cohérence à un genre qui, dès lors qu’il enchaîne des segments dépourvus de liens causaux et narratifs, en manque cruellement.


Un résultat singulier donc, où chacun pourra trouver un motif de satisfaction, mais qui ne tient pas la comparaison, format oblige, avec n’importe quel bon film d’horreur. En espérant que la flopée de titres similaires s’apprêtant à débarquer sur nos écrans ou directement en vidéo The ABCs of Death, V/H/S, Paris I’ll Kill You, The Horror Pages, Grave Reality, Scary or Die, TheProfane Exhibit et The Theâtre Bizarre 2…) puisse afficher, au minimum, une qualité comparable à celle de Theatre Bizarre.


Après la dispensable mode du found footage, voici venir l’ère du film omnibus ? On se demande bien ce quipourrait sauver une production horrifique sur le déclin et largement gangrénée par des impératifs commerciaux de plus en plus incompatibles avec les notions qualitatives les plus élémentaires…

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